Épisode 1 : Bangui, mon retour aux sources

Je suis partie à Bangui sans que personne ne soit au courant après plus de 20 ans sans y avoir mis les pieds.

Si un titre devait être donné à ce chapitre de ma vie ça serait :

Bangui : Retour aux sources

Profil analytique, j’ai besoin d’avoir un maximums données concrètes avant de prendre une décision, ce qui s’avère compliqué concernant mon pays, la Centrafrique. En dehors de quelques échos rapportés par mes proches qui vivent en France, et y partent en vacances, il m’est difficile d’être sûre de la moindre information sur internet, tant il y a de fakes news.

Cela faisait des mois, voire des années, que je réfléchis, j’ai épuisé toutes les questions possibles et imaginables qui me trottaient dans la tête. On est fin septembre 2022, pause déjeuner, je me pose encore et toujours les mêmes questions : qu’est-ce que je fais ? J’y vais, je n’y vais pas ? Après ses mois de réflexions, des informations que j’ai et au stade où j’en suis dans ma vie, il va me falloir suivre mon instinct et me faire confiance.

Que me dit mon instinct concernant un voyage à Bangui ?

C’est maintenant ou jamais ! Et puis, il va bien falloir y retourner un jour ! Ça reste mes racines, la terre de mes ancêtres et j’ai envie d’y entreprendre. Je décide de profiter de cette vibes et prends mes billets d’avion sur le site d’Air France.

Départ Lyon Saint-Exupéry (LYS) direction Bangui M’Poko (BGF), du 12 octobre au 26 octobre 2022, un billet à 1 305.76 €, en classe éco. 😱 J’ai du mal à y croire ! Je m’en vais à Bangui !

Il est important, voire vital, que personne ne soit au courant. J’ai envie et je ressens le besoin de me forger mon propre point de vue à travers ce voyage. Je préviens mes proches ainsi que certains de mes clients, que je serais en déplacement, sans préciser la destination.

N’étant pas de nature irresponsable, je prends soin de mettre un de mes cousins dans la confidence de l’imminence de mon arrivée, puisqu’il vit à Bangui. Pour des questions de respect afin de ne pas l’embarrasser vis-à-vis de la famille, lorsqu’ils vont découvrir mon périlleux secret, nous l’appellerons Bertrand.

« Quand le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier, elle met plus de temps mais elle finit toujours par arriver. »

Durant les semaines qui précède mon voyage, je prépare mon départ secrètement. Demande de visa à l’ambassade de la République Centrafricaine à Paris, réservation de l’hôtel, organisation pour la garde de ma fille durant mon absence, prépare les plannings de mon équipe, etc. En parallèle de tout ce que j’ai déjà à gérer et de mes productions en cours. Je dors super mal, je suis fatiguée, j’ai des troubles digestifs… je remets tout ça sur le compte du rythme que je m’impose.

Au rendez-vous chez le médecin pour la prescription des médicaments pour le voyage, je lui explique mes symptômes. Elle m’informe que je souffre tout simplement d’anxiété certainement liée au voyage. Forcée de constater qu’effectivement, bien qu’enthousiaste à l’idée de partir à Bangui, ce sentiment est également teinté de nostalgie et de souvenirs qui me freines. Et puis, au vu des circonstances, je suis complètement en dehors de ma zone de confort :

  • La dernière fois que j’y suis partie, j’avais 10 ans (il y a 21 ans). Et je suis restée bloquer 3 mois, au lieu des 2 semaines initialement prévues. No comment…
  • Voyager toute seule à +4000 km de mon cocon.
  • Première longue séparation avec ma fille.
  • Je laisse mon équipe toute seule pour la première fois +2 jours consécutifs.

J’ai enfin pleinement conscience de tout, et je me mets à ouvrir des tiroirs de mon passé afin de comprendre la source de mes angoisses. Le début d’une introspection riche en émotions…

Je décide d’aborder ce voyage comme des vacances, pour que ce soit plus léger à supporter. Je me fais alors plaisir en marquant le coup avec une manucure digne de ce nom et à l’image de mon voyage (qui me servira d’ancrage à porter de main et visible à n’importe quel moment quand j’aurai besoin d’être rassuré).

Le rendez-vous est pris pour la veille de mon départ avec la meilleure prothésiste ongulaire de Grenoble Noox Art Création.

Sur la main gauche, j’ai choisi de faire les drapeaux de mes patries. L’index le drapeau de la France, le majeur le drapeau de la Centrafrique, sur l’annulaire, un cœur, car je suis un cœur à prendre. C’est d’ailleurs la « signature » de toutes mes manucures, le jour où mon cœur sera pris, il suffira de regarder mes mains pour le savoir, le cœur n’y sera plus pour laisser la place à une bague.

Sur la main droite, ce sont les animaux totems, soit le coq sur l’index pour la France et l’éléphant sur le majeur pour la Centrafrique. Et les doigts restant en rouge, car c’est une couleur paradoxale, symbole du danger, de la colère mais également la force et le pouvoir… Et surtout, de l’amour.

Quiconque se permettra de dénigrer ce magnifique chef d’œuvre aura à faire à moi !

En plus, cela me permet de faire écho au slogan de l’ambassade de France à Bangui « I YÉKÈ ÔKÔ » je ne savais pas exactement comment il le traduisait en français, j’hésitais entre « On est ensemble » ou bien « Nous ne sommes qu’un ». Après quelques recherches, il s’avère que c’est « On est ensemble » cependant, je préfère ma version. Dans tous les cas cela traduit une unité de mes 2 patries, je ne peux qu’apprécier.

Est-ce que, lorsque je fais la moindre chose, je réfléchi beaucoup trop ? Clairement, oui… je me fatigue moi-même parfois.

Le mardi à Grenoble, c’est le jour du voyage

Arrive le frabieux jour où je prends l’avion de Lyon Saint-Exupéry (LYS) direction Paris Roissy Charles De Gaule (CDC), une heure de vol, une heure de souffrance. Dans le speed et noyée dans toute mon organisation, j’avais complètement oublié que j’avais le mal des transports. C’était une heure de conversation avec mon moi-même pour ne pas déposer une galette. J’arrive à 16h à Paris Roissy Charles De Gaule (CDC), et cours à la pharmacie acheter quelque chose pour soulager mon mal-être, parce qu’il est hors de question de passer 6h à souffrir le lendemain.

Bien que mon hôtel pour la nuit se situe à 10 min de l’aéroport, j’y arrive qu’à 21h. Je me suis trompée de navette, qui m’a fait faire le tour de l’Île de France. Just, no comment ! Je me couche épuisée du périple à 22h passé (pour un jour de semaine c’est ultra tard pour moi). Je dors mal et me réveil à 4h30, alors, foutue pour foutue, je me prépare et pars en direction de Paris Roissy Charles De Gaule (CDC). J’en profite pour envoyer une photo de moi à Bertrand pour qu’il puisse me reconnaitre facilement.

Terminal 2E, porte d’embarquement K33
Paris Roissy Charles de Gaule direction Bangui M’Poko
Départ 9h35, arrivée 15h30

Les heures défilent 6h, 7h, 8h30… Je commence littéralement à être terrorisée. J’appelle donc ma maman… il n’y a pas d’âge pour trouver du réconfort auprès de ma mère. Et je l’assume entièrement !

Je l’informe de la situation, être à Paris Roissy Charles De Gaule (CDC), que l’embarquement est dans 30min direction Bangui (BGF). Elle est surprise, mais respecte, soutient la démarche et compte être complice, à une condition… Que je lui envoie des photos du décollage et de l’atterrissage. Deal honorable, que j’accepte de signer, bien évidemment.

Je ne sais pas si c’est lié au stress ou le médicament pour le mal des transports, mais mes souvenirs sont plus ou moins flous à partir du moment où je monte dans le Airbus A330 à l’aéroport de Paris Roissy Charles De Gaulle, jusqu’au moment où je retrouve mon cousin Bertrand devant l’aéroport de Bangui M’Poko.

Tout ce dont je me souviens, c’est qu’une fois dans l’avion, je change de place car il y a une place côté hublot sur la ligne où je me situe, et je me retrouve à côté d’un homme avenant qui à tenter à plusieurs reprises d’engager la conversation. Bien qu’il renforçât mon sentiment d’insécurité, il ne m’avait pas l’air méchant et dans d’autre circonstances, j’aurai pris le temps de parler avec. Cependant, j’ai les oreilles complètement bouchées, je comprends qu’un mot sur 2, et je suis très stressée par ce voyage.

J’ai un sentiment de vulnérabilité total, tout ce que j’ai en tête, c’est d’atterrir et de retrouver Bertrand a tout prix.

Dans mes souvenirs, le vol se passe bien, nous atterrissons à Bangui M’Poko à l’heure prévue. Ce qui me frappe dans un premier temps, en descendant sur le tarmac, c’est la chaleur. On aurait dit qu’il avait plu, ce qui fait remonter l’air chaud du sol. Puis, ça s’enchaîne super vite, je passe la douane, récupère mes valises et sors promptement de l’aéroport, complètement terrorisée de me retrouver seule. Mais heureusement, Bertrand est juste devant, entrain de m’attendre tranquillement. C’est lui qui me reconnaît, et qui m’interpelle et à cet instant précis, la pression redescend enfin. Ouf !

On prend un taxi, direction l’hôtel, où je me fais escroquer sur le tarif de la course, parce que, d’après le chauffeur :

« Une pièce en euro n’a pas la même valeur qu’un billet d’euro en franc »

Traduction, les pièces valent moins qu’un billet au change. On peut accorder au taximan d’avoir de l’imagination et de l’humour. Bertrand m’accompagne jusqu’à ma chambre, il est plus de 17h et il fait déjà nuit. On prend le temps d’échanger brièvement, et il me laisse seule.

La première réflexion qui me vient à l’esprit à ce moment-là, en regardant par la fenêtre de ma chambre : ça y est, j’y suis, je l’ai fait !

La suite c’est dans « Episode 2 | Bangui : mon retour aux sources » , à vos ciseaux et bonne couture !